Je sors hilare, dévastée par ce petit bouquin d’Émile Ajar, autre nom de Romain Gary : Gros Câlin.
« La vie devant soi » je l’avais lu, mais pas celui-ci.
Comme Gros Câlin, un python de 2m20, je m’enroule autour de moi-même, anneaux constricteurs de tendresse retenue puisque dehors « …chacun est rempli d’amour qu’il garde en son fort intérieur… » ( oui fort avec un t !).
Comme un python, lovée sur le divan du psy, j’entame ma énième mue.
À l’intérieur des taches de plus en plus grandes de pourritures et je sens sur ma peau les reptations de ce qui, trop étriqué, s’en va.
La peau glisse en vagues successives et git sur le tapis persan du cabinet des horreurs.
Lui, il me regarde de derrières ses lunettes, et à la séance suivante de derrière ses lentilles, coquetterie de cet homme au cerveau à mobilité pas du tout réduite.( il n’a plus l’usage de ses jambes.)
Neuve et toujours pareille, j’émerge, les yeux plus brillants peut-être, prête à repartir à ma reconquête.
On n’en finit jamais de muer et de rester pareil cependant.
Enrouler nos anneaux à d’autres et cependant devenir capables, une fois la mue terminée, de tendrement nous enserrer dans nos propres circonvolutions quand l’amour reste désespérément coincé dans leurs « forts intérieurs », par peur du risque d’aimer mal ou d’aimer trop.
Texte et photo Mona MacDee