vendredi 6 septembre 2024

Je vous emmène en balade -3- : Lieux de mémoire, lieux d'oubli.

 
Parfois, aller dans un cimetière, dans un moment de tristesse, est la meilleure façon pour moi de me confronter à mes peurs. Et je sais ce que je ne veux pas : je ne veux pas de ces lourdes pierres sur mon ventre, je veux participer de l’air, retomber dans l’herbe, être emportée par une feuille d’automne. 



Le ciel était limpide ce matin, et mes pas m’ont portée vers un cimetière presque oublié.
Il n’est nul endroit plus plein de vie qu’un ancien cimetière. Les allées sont presque ensevelies sous les frondaisons, et les mousses recouvrent la plupart des tombes anciennes.  
De toutes parts jaillissent les verts, les ors, les rousseurs de l’Automne, racines parfois profondément enfouies au sein même des tombes d’où elles semblent tirer leur substance, étonnement plus vertes qu’ailleurs.
 
Ici des larmes ont jailli et se sont taries ; 
ici des haines se sont éteintes privées de leur objet ;
ici des êtres ont été pris d’une étrange sensation où se mêlaient chagrin et soulagement. 
Des poitrines se sont effondrées, et d’autres ont repris vie, parce que la mort n’efface pas les joies passées, mais pas les terreurs non plus.
Les lierres omniprésents s’agrippent aux pierres : marbres roses quelquefois, ciment et pierre bleue pour la plupart.

Le ciel s’est obscurci ; de lourds nuages sombres roulent, et des trombes d’eau s’abattent sur moi, tandis que les quelques promeneurs s’échappent à l’abri de leurs voitures restées sur le parking.




Je continue et patine sur le sentier argileux et glissant recouvert de feuilles d’ocre.
Au fil des allées, des médaillons anciens : hommes aux fines moustaches et à l’air sévère, femmes aux chignons strictes, enfants en col marin.
Tous et toutes se côtoient, enfin égaux : chrétiens, juifs, athées, francs-maçons.
Des tombes ont été éventrées par les gels de saisons plus dures qu’aujourd’hui.

Pas de tristesse ici, mais une sérénité nostalgique.


Des rayons de lumière fusent entre les nuages qui se dissipent.
Houx et plantes lumineuses ornent les pierres abandonnées.
 

 
Aujourd’hui, par manque de place, l’incinération a remplacé la concession dans un cimetière et « perpétuité » ne sera plus possible dans un monde devenu trop étriqué pour les vivants.




La mémoire se perd, les rituels de deuil aussi, mais ceux et celles que j’ai aimé.e.s, sont toujours là, dans mon cœur et je n’ai nul besoin de fleurs à la Toussaint pour y penser.
Sans même que je fasse un effort de souvenance, ils, elles se présentent à moi : effleurement léger, souvenir ou parfois…rien, juste le bonheur de déambuler dans cet endroit serein.




Je dépose un caillou, une fleur, une pensée, sur une tombe au hasard, témoin de mon passage. 
D’autres ont eu la même idée, et de petits cairns s’érigent, monticules de mémoires.

Un panneau me rappelle que nous ne sommes que poussière, poussière d'étoiles, poussière d'humains forts et fragiles et que ne comptent en nos vies que l'amour donné et l'amour reçu. 
























La pluie a cessé, mon manteau est à tordre, mon maquillage dilué, et je rentre au chaud de mon « chez moi » où je ne me sens plus tout à fait seule.



Cimetière du Dieweg. UccleOctobre 2017

Photographies et texte: Mona MacDee