Il était une fois, une petite fée aux ailes cristallines.
Elle virevoltait sans trêve, se posait sur une épaule accablée, y laissait tomber quelques paillettes dorées, murmurait un mot de tendresse silencieux et s’en allait vers d’autres humains, si durs, si tendres et si fragiles.
Les fées sont de petits êtres solitaires.
Elles ont tant de monde à aimer que parfois elles ne savent plus où donner de la tête, se trompent et n’adressent pas toujours leur amour à qui en aurait eu besoin. Elle se donnait sans compter.
Elle partait loin parfois, poussée par le souffle du vent qui lui avait chuchoté que là-bas, sans doute, elle serait plus utile qu’ici.
Là-bas, très loin de ce pays si froid.
Elle voletait de dunes de sable en poussière d’étoiles, de princes en mendiants et d’esclaves en princesses.
Les épaules soudain se redressaient, les regards se faisaient plus vifs, les pas étaient plus hardis et les humains s’applaudissaient bien fort, fiers d’être si déterminés devant l’adversité.
Pas un, pas une ne pensa une seconde qu’une petite fée agitée aux ailes de cristal, avait ôté quelques cailloux de leur chemin.
Pas un, pas une ne pensa que, peut-être un peu de magie les avait aidés.
La petite fée se sentait un peu lourde. Elle s’aperçut que ses ailes si fortes et si fragiles, irisées d’or, perdaient de leur éclat. La poudre magique disparaissait et elles prenaient les couleurs de l’hiver, de ces hivers gris qui plombent le ciel et le cœur.
Elle prit peur : y avait-il encore quelqu’un pour croire aux
fées ?
Plus personne ne croyait en elles.
Cela seul pouvait expliquer le phénomène car, pensa-t-elle, quand le monde cesse de croire aux fées, il meurt !
Elle soupira lourdement, s’assit sur une petite pierre d’ocre, et vit ébahie, s’approcher un bien étrange cortège : il y avait un Petit Prince aux cheveux de blés mûrs, un renard rigolard et quelques poules agitées, un serpent jaune, sifflant et ondulant sur le sable, une rose coquette et rougissante, un allumeur de réverbère qui courait comme un fou, un milliardaire qui comptait ses sous, et un aviateur perdu, de grosses lunettes sur le nez.
Elle se frotta les yeux et se dit que le soleil lui avait tapé un peu fort sur la tête.
La magie n’avait donc pas tout à fait disparu du monde !
Le soleil se couchait sur l’horizon qu’il enflamma comme un brasier, puis tout prit une teinte d’une douceur infinie, tandis que montait haut dans le ciel, l’étoile du Berger. C'était aussi le moment où, dans le ciel d'encre, la belle Bételgeuse rougeoyait en haut de la constellation d'Orion, le fier chasseur.
Mais ses ailes restaient grises et son petit cœur de fée bien lourd.
Elle sentit alors une présence, si menue, si ténue qu’elle crut rêver.
D’abord une petite bruine de paillettes dorées l’entoura, puis une douce voix lui murmura : "Le plus difficile, tu sais, dans notre travail de fée, c’est que nous ne saurons jamais, entends-tu, jamais, si nous avons sauvé quelqu’un du désespoir, nous n’aurons aucun retour de notre amour et on nous prendra parfois pour des sorcières, car nous aurons du employer la manière forte pour secouer les humains.
Tu crois que nous disparaissons parce que les hommes ne croient plus en nous ?
Nous disparaissons parce que nous, nous ne croyons plus en nous !
Les hommes n’ont pas ce pouvoir !
Continue d’ être fidèle à qui tu es, à donner sans espoir de retour, à ignorer ton impact, à créer de la magie et du rêve là où ils semblent disparaître, à inspirer les arts et à répandre de la beauté.
Je n’ai pas besoin de te rendre ta poussière d’étoiles, elle est là, dans ton âme, dans ton cœur et il te suffit de la retrouver."
Un joli croissant de nouvelle lune brillait haut dans le ciel, et des milliers d’étoiles brillaient.
La petite fée soupira et pleura longtemps, secouée d’un chagrin longtemps retenu, mais d'où le désespoir avait disparu.
Elle reprendrait sa route, que l’on croie en elle ou pas, qu’on l’aime ou pas, juste parce que c’était là son rôle dans le grand jeu de la Vie.
Autour de la pierre sur laquelle elle était assise, ses larmes avaient formé une petite mare.
Elle y vit la lune et les étoiles, puis elle y perçut un scintillement, timide d’abord et se demanda ce que c’était.
Elle constata toute émue, que c’était elle qui scintillait ainsi.
Elle déploya doucement ses ailes, esquissa un sourire : tout son corps à nouveau miroitait de mille feux !
Le grand secret ? Elle devait croire en elle-même, car rien ni personne n’avait plus de pouvoir.
Personne ne détruit la magie des fées, elles la détruisent elles-mêmes, en cessant de croire en leur propre potentiel.
Notre petite fée, toute lumineuse et fière, s’éleva dans le ciel.
L’étrange procession qu’elle avait croisée revenait vers elle : Le Petit Prince lui fit un petit signe de la main, le renard lui adressa son sourire apprivoisé, la rose lui souffla un peu de parfum et le serpent qui, un moment avait espéré une victime, glissa très loin en ondoyant, furieux.
La petite fée laissa le vent la porter vers une destination inconnue.
Ses ailes vibraient au son de sa petite musique intérieure et autour d’elle, des myriades de particules de magie lui faisaient un halo doré.
( Petites références au "Petit Prince" de Saint Exupéry sans lequel les fées ont bien du mal à survivre dans ce monde.)
Texte et photographie Mona MacDee